Beho

329 habitants.

Beho, que l’on retrouve au cours des temps sous divers toponymes, viendrait du mot Allemand Buchenholtz qui signifie « bois de hêtre ».

Campé sur les Hauts plateaux ardennais, à plus de 500 mètres d’altitude, à la pointe extrême Est de la Commune de Gouvy, le village de Beho se dresse plutôt à l’écart des grands courants touristiques. Il faut le dénicher pour en faire la connaissance, mais quel plaisir de le découvrir au détour du chemin. Beho se fait très discret depuis que ne se déroulent plus les pèlerinages d’antan, qui drainaient la région tout entière. Son accueil demeure simple et charmant.

Le village de Beho conserve des bâtiments des 18 et 19es siècles, mais son centre d’intérêt principal est sans nul doute l’église Saint-Pierre, édifice remarquable par sa flèche élancée, son mobilier et ses peintures polychromes.

L’église Saint-Pierre

Monument classé.

L’imposante tour carrée a été bâtie après la première croisade, vers l’an 1100. La tradition locale affirme que celle-ci remonterait à une époque beaucoup plus ancienne que la nef. Sous la flèche élancée de section octogonale sur base carrée, la robuste tour occidentale en mœllons blanchis est évasée jusqu’à sa galerie de circulation. Cette dernière est bordée d’une balustrade et interrompue par une bretèche en bois en encorbellement sur des consoles en mascaron, le tout servant à présenter les reliques à la foule. La loggia et la toiture protégeant la galerie extérieure sont recouvertes d’ardoises naturelles. Les poutres de soutènement de l’ensemble sont ornées de figures grimaçantes et menaçantes.

Selon une bulle signée par le pape Jean XXII en Avignon, il existait déjà une église Saint-Pierre à Beho en 1326. Menaçant ruine en 1712, il fut décidé de reconstruire la nef au même emplacement en réutilisant les matériaux d’origine. Cette date est gravée au-dessus de la porte d’entrée du sanctuaire ainsi que, croit-on, les armoiries des comtes de Salm. Bien malin qui le certifiera, car, à la fin du 18e siècle, elles ont été martelées et rendues presque indéchiffrables par les sans-culottes français.

Les pièces principales du mobilier ont été sculptées en bois de chêne de 1 713 à 1 724 par Maître Jean Georges Scholtus de Bastogne. Du mobilier de l’ancienne église, il ne reste qu’une pièta, c’est-à-dire une statue de la Vierge Douloureuse.

La polychromie est due à Louis Marie Londot, de Namur, après l’incendie de 1 954 et à l’architecte Maurice Robert, de Gouvy, auteur du projet de rénovation.

Cette restauration fut commencée le 10 janvier 1955 pour se terminer le 1er mai 1956.

La chaire de vérité, conservée telle qu’elle est sortie des mains de Jean Scholtus, est ornée des visages des quatre évangélistes, tandis que l’abat-voix est surmonté par une statuette de saint Michel terrassant le démon.

Enchâssées dans les 20 oculus qui ornent la châsse du Trésor, les « saintes reliques » comprendraient divers ossements, cheveux et éléments de vêtements de saints et martyrs de la religion chrétienne.

Le cimetière qui entoure l’édifice renferme les dalles funéraires des anciennes familles de Beho dont certaines remontent à 1 638 et 1 672.

D’après une tradition, les reliques de l’église ont été données par un comte de Salm revenant de la croisade et dont le nom serait Herman de Salm. Le coffre aux reliques (ou châssis) a été construit au début du 18e siècle, également par Maître Scholtus. À l’heure actuelle, on trouve exposées trois reliques : une parcelle de la « Croix de Notre Seigneur », une relique de saint Pierre et une autre de Saint-Laurent. Les peintures polychromes ont été rafraichies en 1956.

Jean Scholtus, maitre sculpteur

Là où l’Ardenne coule vers le Rhin, elle recueille aussi une trainée d’influences qui la marqueront plus profondément. En respectant la sobriété extérieure des bâtiments, toujours de mise, c’est une véritable architecture qu’un homme, Jean-Georges Scholtus, « Maitre sculpteur de la ville de Bastogne », va mettre en mouvement dans l’envahissement du décor. Toute surface nue semble le gêner, l’amenant parfois à créer des univers qui, bien que toujours remarquablement équilibrés, nous paraissent aujourd’hui surchargés.

On ne sait pas au juste où il est né, vers 1680, au Grand-Duché sans doute, où le nom était connu dès le 16e siècle. On ignore également où il s’est formé. On sait qu’il habite Bastogne où il possède un atelier en 1708. On constate aussi que l’autel de Munshausen, œuvre de Jean Toussaint de Bastogne, daté de 1 705 est déjà dans la manière qui sera celle de Scholtus.

Sa renommée débordera son Ardenne natale, puisqu’il fournira en Gaume les autels d’Etalle ainsi que la chaire de Fisenne.

Il meurt en 1754, après avoir fourni avec son atelier familial du mobilier divers pour maisons, châteaux et églises, dans un rayon de 20 km.

Herman II de Salm, comte bâtisseur

Selon la tradition locale, l’origine de l’église Saint-Pierre serait à attribuer à Herman II, comte de Salm.

Au retour de la première croisade, chargé des saintes reliques, il reçut un signe du ciel qui ne pouvait supporter contradiction. Alors que le comte s’apprêtait à franchir le Glain, aux alentours de ce qui allait devenir Beho, sa monture refusa de franchir l’obstacle, pourtant un simple ru à cet endroit.

Colère et menaces n’entrainèrent que rebuffades de la bête, au point que le noble Herman en fut presque désarçonné.

Pour un cheval qui revenait d’un long périple en Palestine, un pareil caprice ne pouvait être naturel. Le bagage sacré qui revenait de Jérusalem n’irait pas plus loin. Herman décida donc d’ériger une chapelle pour y déposer et vénérer ses reliques orientales ; la première église de Beho était née.

Une promenade à pied dans les ruelles voisinant l’église et le cimetière s’impose. Le village comporte encore de nombreuses maisons anciennes aux fenêtres basses et aux toitures couvertes de cherbins.

Ancienne ligne de chemin de fer

L’amoureux de la nature parcourra avec plaisir, de Beho à Gouvy et de Beho à Maldingen, l’ancienne ligne de chemin de fer « Gouvy – Saint-Vith ». Cette dernière fut construite à l’initiative de l’armée allemande durant la Première Guerre mondiale dans le but de relier les bassins industriels de la Ruhr et de l’est de la France. Elle fut réalisée essentiellement par des prisonniers russes et servit à acheminer le matériel militaire à destination des troupes allemandes qui combattaient à Verdun. Après la guerre 40-45, son tracé fut interrompu à hauteur de Saint-Vith et seule la section Gouvy – Lommersweiler resta en activité jusqu’en 1 958. On notera la présence des vestiges de quelques viaducs ferroviaires détruits au début de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que de nombreuses casemates fortifiées de part et d’autre de la voie. De nombreux ouvrages semblables sont disséminés çà et là sur le territoire de la commune.

La chaussée romaine Reims-Cologne

Celle-ci traversait l’ancienne commune de Beho. Venant de Limerlé après avoir traversé le territoire grand-ducal, elle rentrait en Belgique au lieudit « Gribon », traversait Deiffelt et longeait l’ancienne frontière de la Prusse. De nombreuses bornes aux armes de l’ancien empire prussien sont encore visibles de nos jours. À ce sujet, nous vous conseillons la lecture du fascicule « En suivant les Bornes » (voir ci-après).

Le Glain

Ce ruisseau prend sa source aux alentours de la ferme de Lamerlé et forme non loin de là les étangs dits « des Concessions ». Il arrose Saint-Martin, ensuite Cierreux à la sortie duquel il reçoit les eaux de la Ronce, puis Salm-château et Vielsalm. Il se jette dans l’Amblève à Trois-Ponts. Contrairement à une idée reçue, c’est donc bien le Glain qui passe sous les ponts de Vielsalm et forme l’étang des Doyards. Glain est un nom d’origine celtique évoquant la pureté et la limpidité de l’eau. Cette appellation est vieille de plus de deux-mille ans. Nom vénérable que celui de Glain ; nom que le temps a failli effacer et qui aujourd’hui est encore galvaudé, car la rumeur publique donne à cette rivière le nom de « Salm » à son entrée dans le village de Salm-Château. À l’origine de cette erreur, on trouve les cartographes qui, au siècle dernier, dressent la carte de notre région. (En réalité, la Salm, petit cours d’eau qui prend sa source à Blanche Fontaine, non loin de Petit Thier, se jette dans le Glain au bas de l’église de Vielsalm.)

Sise sur une légère éminence, à l’écart du village, l’imposante ferme de « Maison Neuve » se présente comme un ensemble complexe de bâtiments en mœllons blanchis. L’entrée du logis, en retrait, porte sur son linteau le millésime gravé 17+75. Une croix grandeur nature érigée en 1804 par Jacob Peiffer et Marian Starck en orne la façade. Elle a été récemment rénovée et mériterait d’être « repolychromée ». Ce crucifix porte tous les instruments de la passion du Christ : le cadran d’horloge marquant 3 heures, un phylactère portant l’abréviation « INRI », un calice commémoratif de la dernière Cène, un « cœur ardent », les mains et les pieds stigmatisés, les instruments de la passion.

Au n° 47, La Maison Schaus, perpendiculaire à la voirie, porte le millésimé gravé 1 777 /IHS au-dessus des trois clous de la passion.

Les maisons ci-après méritent également le détour : n° 57, 58, 63, 66, 67, 72 et 73.

L’école, qui date de 1 870, a été restaurée avec bonheur en 1986.

Promenades S.I. passant par le village de Beho :

  • N° 14 10,3 km 3 h jaune Campagne
  • N° 31 8,5 km 3 h rouge Calvaire
  • N° 32 4,1 km 1 h 30 bleu Calvaire, campagne

Parcours VTT passant à proximité de Beho :

  • Nº 5 24 km jaune

À consulter :

  • Beho, l’église la plus mystérieuse des Ardennes.
  • « En suivant les bornes : parcours de Maison Neuve à Deiffelt » (Jean de Bruyne, édité par le I.D. Gouvy, A.S.B.L. © Gouvy, décembre 1994).

Les Concessions

Remarquable propriété de chasse à courre constituée le 18 septembre 1851 lors de la vente d’une « concession » par la commune de Bovigny. L’ensemble est formé d’un important domaine boisé de 313 hectares comprenant un château résidentiel, une « maison de garde », une ferme (100 hectares), une chapelle et de vastes étangs (13 ha) alimentés par le Glain, dont l’un est équipé d’un embarcadère couvert et d’une échelle à poissons visible de la route.

En date du 26 septembre 1851, le Conseil Communal, dument convoqué et réuni au complet, a approuvé par 5 voix contre 2 la vente d’un domaine de 260 hectares pour la somme de 24.999 francs et 35 centimes à une association nobiliaire comprenant notamment les comtes Cornélissen et de Berlaymont. Au début du 20e siècle, le domaine a été acquis par le prince Karadja, diplomate roumain en mission à Bruxelles de 1 905 à 1 918, qui entreprit la construction du château proprement dit. Selon la tradition locale, le prince Karadja, adepte des sciences occultes, invitait dans son château Brahmanes et Radjas indiens. Après sa mort, il fut enseveli dans la chapelle du domaine, où se trouvent encore ses armoiries.

D’importants travaux sont également réalisés entre les deux guerres par le nouvel acquéreur, Odon Warland (Gouvion célèbre, négociant en tabacs et fondateur de la marque « Boule Nationale »).

Le château, de style éclectique, dans la tradition « Néo », présente des volumes arrondis aux angles par deux tours ainsi qu’une façade en pignon, greffée d’un avant-corps à trois pans, néorenaissance, avec un large balcon précédé d’un perron bas aménagé en vaste terrasse.

Inoccupé depuis de nombreuses années, le château a été à maintes reprises la proie des vandales. Le domaine ne se visite pas, mais l’édifice est visible depuis la route Beho – Bovigny, non loin de Saint-Martin. La propriété des Concessions connait en fait le sort de bien des orgueilleuses demeures érigées sous Léopold II dans nos régions, ne survivant que le temps de deux ou trois générations à leurs ambitieux constructeurs.

Les Concessions mériteraient sans nul doute rachat et conservation par les pouvoirs publics, ne serait-ce qu’en raison de leur intérêt environnemental. Le long du Glain et des étangs qu’il traverse ou qu’il a engendrés, la faune et la flore ont pris des formes rares, voire inconnues ailleurs en Ardenne. Ainsi, à l’automne, des centaines de sarcelles, fuligules milouins et morillons, canards colverts, souchets ou siffleurs, y font une halte sur le chemin de leurs migrations. Les hérons cendrés y sont nombreux et il n’est pas rare d’y observer un grand cormoran ou un superbe balbuzard pêcheur, véritable aigle des eaux douces.

Dans ces eaux calmes et limpides, d’une qualité exceptionnelle, truites, brochets, tanches et bouvières se côtoient. On y rencontre aussi l’anodonte des cygnes, grosse moule d’eau douce, espèce unique en Ardenne, ainsi que d’exceptionnelles colonies d’éponges d’eaux douces.

C’est dans le domaine des concessions que se trouvaient la villa carolingienne de Glain et le moulin banal de Juvigny, aujourd’hui disparus.

Cloches perles…

À la suite de leur victoire le 6 novembre 1792 à Jemappe, les troupes révolutionnaires françaises occupèrent notre région, qui fut intégrée à la France par un décret de la Convention daté du 1er octobre 1795, ou « plus précisément », du 9 Vendémiaire de l’an III.

Censés apporter aux populations libertés et bienfaits, les Français ne laissèrent en fait que de mauvais souvenirs, et, rapidement, une fronde s’organisa en vue de s’opposer au dictât des nouveaux habitants.

S’étant par ailleurs fait remarquer dans toutes les autres contrées de notre pays par leur hargne vis-à-vis du clergé, ruinant maints et maints édifices religieux, abbayes, monastères…, les sans-culottes tentèrent d’imposer leur loi dans nos Ardennes, où la pratique religieuse était particulièrement vive.

Ainsi, dans le courant de l’été 1796, un différend naquit entre les nouvelles autorités et le curé de Salm quant à la tenue des registres paroissiaux ; le curé Pierre-Barthélémy utilisant encore le calendrier grégorien et non le calendrier républicain dans la rédaction de ses écrits.

Rapidement, le conflit prit de l’ampleur ; la majeure partie des membres du clergé refusant de prêter le serment de haine : « Je jure haine à la Royauté et à l’anarchie, attachement et fidélité à la République et à la Constitution ». Il s’ensuivit une proscription générale des prêtres réfractaires, puis la prohibition de la plupart des signes religieux. Ainsi, le 5 floréal de l’an VI (24 avril 1798), le commissaire Damseaux enjoignait aux autorités communales de Vielsalm le strict respect de la loi du 7 Vendémiaire de l’an VI, à savoir la suppression, dans les délais les plus brefs, de tout signe extérieur du culte, tels que croix sur les cimetières, sur les cloches et les édifices publics. Il rappelait en outre que : « tout individu qui, au mépris de la loi du 3 ventôse de l’an III, ferait une proclamation ou une convocation publique, soit au son des cloches, soit de toute autre manière, pour inviter les concitoyens à l’exercice d’un culte quelconque, sera puni d’un emprisonnement qui pourra aller de trente jours à une année. Les ministres du Culte qui feraient ou provoqueraient pareille convocation, seraient quant à eux punis d’une année d’emprisonnement, et, en cas de récidive, seraient condamnés à la déportation ». Enfin, il exige le pesage et l’enlèvement des cloches dans les églises des prêtres réfractaires.

Ainsi fut fait le 2 pluviôse de l’an VII (19 février 1799), date à partir de laquelle seules les églises non réfractaires purent encore servir de lieu de culte.

À la suite de cet ordre exécutoire, les cloches des églises des paroisses non-signataires furent dépendues de leurs clochers et envoyées à Malmédy. C’est ainsi que Courtil livra une cloche de 160 livres ; Halconreux, une de 30 livres ; Cierreux, une de 30 livres ; Rogery, une de 160 livres ; Beho, une de 700 livres ; Bovigny, une de 300 livres.

Vers 1801, certaines paroisses purent racheter les cloches non détruites contre monnaie sonnante et trébuchante. C’est ainsi que, par exemple, Rogery racheta sa cloche pour la somme de 24 couronnes.